BISTROT L’HUMANITE
(PM-Longue de comptoir-Paris-2002)
LE TEXTE :
1-L’hidalgo
Arrête !
Arrête l’hidalgo
Tu fatigues le bistro !
A nous ressasser l’Andalousie !
Toujours ce même chant, lancinant, évoquant
La mémoire des trois fils d’Ibrahim s’aimant
A l’ombre des mosquées sublimes
Toujours le même cri
Cette mère nourricière
Au trois gros seins toujours trop pleins.
Arrête !
Cette femme depuis longtemps est veuve
Ou trahie par les siens,
Tu le sais bien…
Guerre ! Flammes ! Poussière !
Arrête l’hidalgo !
Il n’y plus rien à boire ici !
Le Guadalquivir est à sec
Ton vieux corps d'ivrogne se casse
Et ta voix trop grasse se cogne
Dans des sanglots bien trop bluesy
Pour l’Andalousie.
Tu vas devenir comme ces aboyeurs
Qui rôdent à la lisière du bleu
Pour dérouter les voyageurs
Avant la passe du Grand Lieu.
Écoute plutôt, là-bas…
Dans le silence qui borde
Les marées tardives.
Ton propre cœur qui bat
Déjà à la dérive
Écoute…
2- Black Jack
Ecoute, tu entends ?
Laisse, laisse s’approcher la haute cohorte
De ceux qui peuplent tes vies mortes
Tu le r’connais c’ui- là,
C’est Cüneyt le Ouïgour ?
C’est lui qui mène la caravane
Il a ram’né dans ses tambours
Les sables du Taklamakan.
Et Il frappe.
Il frappe Mea Culpa
Sur le grand torse de notre Terre.
Ca terrifie ceux qui n’ont pas
Du firmament dans leurs artères.
Que le bassiste de ces bas-fonds
S’il existe
L’assiste de ses pétales de plomb.
Une canne blanche qui claque
Sur le tam-tam du macadam
Réfugié derrière ses Ray-Bans
A coup sûr, voilà Bloody Blind Jack
Lui se voulait cyber-imam
Mais à pourchasser les mécréants
Dans la fournaise de ses écrans
Il a brûlé ses yeux d’ébène
Et n’a plus guère qu’un reste d’ouïe
Pour contrôler sa prose urbaine
Hit the road Blind Jack !
La bas, à Manhattan
Ton minaret s'est écroulé
Et tu t'en sors miraculé, man !
Que Dieu le Père te fasse crédit
Pour traduire tes sourates en rap
Et rappeler tous ceux qui zappent
Dans les étrons électroniques
Du nouveau monde arachneïque
3- Bistrot l’Humanité
Quoi ! Qu’est ce qu’il ya encore ?
Mais si je les entends,
Ces foutues cornemuses !
Qui tentent désespérément de s’accorder
Ouvre leur la porte ! l’hidalgo
A ces courants d’air en besace ! Ce sont tes amis,
Ils cherchent juste à s’accorder sur le bourdon qui résonne
Dans le creux de ta poitrine débraillée
Ton cœur, encore lui
Ce diapason qui palpite
Alors laisse les s’approcher
Ces frères Ripolin du biniou,
Laisse les rentrer dans l’bistro
Ces berbères en burnous
Ces bérets berrichons
Qu’ils se mélangent
Qu’ils se confondent
Et que Monsieur Ben Soussan
De l’escalier C
Se fasse appeler Ripoche
Et que les tibétains se fassent bénédictins
Et que les derviches de Bagdad
Tournent et tournent, et tournent encore
Comme tournent les étoiles dans nos têtes
De toupies éthyliques
Qu’ils nous enseignent à souffler dans leurs neys,
Ces Soufis giratoires
A nous autres qui expirons notre ennui
Dans des bouteilles trop vides
Allez l’Hidalgo
Laisse le s'approcher
Il ne va pas te bouffer ce navajo dégénéré
Même s'il essaye de te fourguer ses faux-scalps
Et là-bas, regarde le
Cet Hélvete bedonnant avec son cor des Alpes
Et encore, juste derrière lui,
Cet éleveur de Licorne un peu ratatiné
Qui joue d’l’accordéon sur nos années qui passent
Et ce pakistanais qui empaquette son air
Comme une denrée devenue rare.
Dans un bag-pipe en peau de bouc
Datant de Tamerlan
Laisse les s’approcher
Tous ces bouilleurs de cru d'Ukraine
Et ces scribouilleurs de Sanskrit
Et ces bourguignons bourguignonnants
Ce maradjah bouffi du lointain Gujarat
Empoignant son sitar pour un dernier Raga
Et ce chinois démolisseur de Grande Muraille
Ce Samouraï qui se refroque les entrailles
Après hara-kiri, en chantant Riquita
Jolie fleur de Java…
Et regarde le, cet aristocrate au crâne d'œuf
Qui se dit héritier du dernier roi d'Abyssinie
Accompagné de l’un de ses derniers fidèles
Qui lui tresse du fil de fer barbelé
Pour qu’il s’en fasse une couronne
Et l’autre camé, à côté
Cet ancien guitar Hero
Reconverti dans la cassette porno
Pour payer son hero
Qui sort son Crucifix
A chaque fois qu'il se fixe
Et toute cette armée sans généraux
De vieux aborigènes
Partis en rang serrés
Pour la Reconquista du rêve
Tout au bout du bout du bout de leurs boomerangs
Laisse les venir à toi,
Ces astrologues de la tribu Dogon
Lorgnant sur la constellation d’Orion
Et ces lapons de tous les pôles
Raccommodant la couche d’ozone
Avec leurs fils en nerf de phoque
Et cet immense Peul de la savane,
Qui fuit l’Afrique en friche
Avec ses bêtes à corne
Et le savoir de la Terre Noire
Dans son cerveau pyramidal
Laisse les aussi s’approcher, l’hidalgo
Tous ces gens de très peu
Que les légendes oublieront
Par exemple ton gros voisin de zinc
Planton à la Mairie de Montrouge
Qui prétend traverser la Mer Rouge
A chaque verre de piquette
Qu’il s’envoie derrière la luette.
Tiens justement
Le voilà qu’arrive à point!
Moïse !
Pas le vrai, Oh. Non. !
Mon copain, le garde-barrière.
Lui, m’a souvent payé des bières
A peine kasher
En me parlant du train furtif
Qui passe les soirs de Pardon Juif
Rapatriant les hébreux vers
La Jérusalem ferroviaire
Du très lointain butoir d’Auschwitz
Dans les psalmodies du Kaddish
Moïse ! Please !
Laisse la passer, Moïse,
Cette brochette d'humanité
Comment çà, y a pas de femme ?
Mais mon pauvre ami, la femme est partout,
Tout autour de nous
Tu la sens donc pas cette odeur translucide
Qui nous colle à la peau…
Cette femme là, c’est une Alchimiste
Souviens toi, il y juste un instant, nos haleines étaient fétides
Et nos sourires édentés
Et maintenant nos lèvres sont humectées d’une rosée lumineuse
Et retrouve l’Innocence du premier baiser…
La femme est là.
Nous sommes tous dans son ventre
Elle attend juste ton signal Moïse
Pour enfanter à nouveau.
Moïse please.
Ce bistro devient trop petit
Pour accueillir toute cette tourbe nombreuse
Laisse nous sortir de la Crypte
Please, Moïse
Laisse nous sortir de l'Egypte
Please, Moïse, please !
Lève ta barrière !
Ton chef de gare, au bout du rail
Lui, saura reconnaître ses ouailles.
Avinou Shebashamayin ytqadoch chimeka..
(Notre Père des Ciels, ton Nom se consacre).
............בא