Les pérégrinations musicales et souvent marécageuses de Pêrig Mahet
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Retrouvailles 6

River’s spirit (Avec Douglas Rosane)

1-Promised land (Douglas Rosane) 2:49
2-Athena Express (Improvisation) 1:51
3-Sad Man (Douglas Rosane) 3:43
4-River’s Spirit (Improvisation) 11:51
5-Rosy (Douglas Rosane) 3:00
6-Granada sketches (Improvisation) 1:08
7-Retouver Rosy juste un instant 0:46
8-Only you (DougIas Rosane) 2:59

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RIVER SPIRIT

L’an 2000 approche. La peur millénariste en vogue est celle du grand bogue informatique. Nom de code Y2K (à prononcer ouaille tout quai !). Les ascenseurs qui tombent en panne à minuit pile le 31 décembre. Les vannes des barrages qui s’ouvrent toutes seules, libérant le déluge. Les trains qui s’arrêtent en rase campagne. Les avions qui font des loopings. En un mot l’Apocalypse.

Et en fin de compte ? Une grande claque aller-retour dans la gueule, oui !. Les 26 et 28 décembre 1999, la moitié de la forêt française tombe en charpie. Les pilonnes électriques se mettent à faire la danse du ventre au milieu de gerbes d’étincelles. Des milliers de toitures envoient leurs confettis d’ardoises et de tuiles dans les airs pour fêter prématurément le nouvel An. Rien avoir avec le culte du sacro-saint bit binaire. Juste un petit courant d’air un peu nerveux. Juste un message de là-haut pour nous rappeler à l’ordre. « Mais pour qui vous prenez vous avec vos petit joujoux ? Pfffffft ! Minables terriens !»

On a dut philosopher sur ça. Un mardi soir. Avec Douglas. C’était forcément un mardi soir car c’était le jour qu’on s’était choisi. Le mardi soir on se consacrait à la création. Ce qui ne voulait absolument rien dire. En fait juste un alibi pour casser la routine de notre vie de bureau souvent très grise. Mais Douglas en bon américain partisan du « just do it !» avait décidé de faire comme ça. « Just create it ! ». Create quoi ? Je ne sais pas. On avait bien quelques belles guitares à portée de mains. Mais aussi un pack de bière. Et puis surtout huit heures de labeur derrière les mirettes. Alors oui, il nous arrivait de gratter. De gratouiller. De fredonner. De bredouiller chacun dans notre langue maternelle. A chercher le mot clé qui s’emboite dans l’accord ad’hoc. On radotait. Souvent les yeux papillotaient… Et les accords de La mineur s’éternisaient, en attente d’être enfourchés par une phrase cavalière sachant manier la cravache pour faire décoller l’affaire.

Ainsi les Anges du mardi soir passaient. En général, ces maudits voisins du dessus avec leurs chaussures à talonnettes marchant à contretemps de nos blues languides 

Mais il arrivait aussi que l’Inspiration tant convoitée déboule sans crier gare. Il faut l’avouer, elle prenait en général les reflets de la boisson accompagnatrice. Quelques gorgées d’Ouzo et un bouzouki pour touriste nous faisaient partir d’un seul coup pour Athènes. Un verre de Rioja et la petite pièce où nous étions se transformait en Parador. Parallèlement les chansons de Douglas se structuraient. Les mots, de plus en plus gouleyant tenaient maintenant bien en bouche. On oeuvrait. Doucement. Mais surement… En bons artisans.

Et puis une fois, Doris, une collègue allemande, nous a offert une bouteille de vin du Rhin. On l’a gouté. C’était légèrement liquoreux. J’ai voulu alors dégager mon haleine un peu trop chargée en suc rhénan dans une flûte en bois péruvienne. Le souffle rugueux ne me convenait pas. Alors, je me suis à chanter en même temps. A la tierce. Douglas m’a suivi en tapotant sur des bouts de bois brésilien. Tout en marmonnant dans son giron des prières aquatiques. Bientôt l’esprit de la rivière est arrivé. Il était là. Avec nous. River Spirit !

Etait-ce le même soir ? Peut-être. Ou peut-être pas. En tout cas il était tard. Douglas avait déjà enfilé sa parka pour rentrer chez lui. Il était debout. Le monde devait lui sembler trop haut. Il s’est rassis. Et s’est mis soudain à inspirer très fort. Puis à chanter d’une petite voix de tête que je ne lui connaissais pas. Façon haute contre…

 « I am looking for life ! »

Et puis une lamentation…un chant d’amour venu du tréfonds de lui-même est sorti…Par bonheur le magnéto tournait…