Les pérégrinations musicales et souvent marécageuses de Pêrig Mahet

Dans la Ville Basse

(Collage Isabelle Dormion)

 

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DANS LA VILLE BASSE

Notes:

On a voulu me faire avouer où était cette Ville-Basse. La dénoncer. La nommer : Lisbonne. Budapest. Chartres. Chinon. Morlaix. Fougères Plus récemment Chauvigny… Que sais-je encore ? Des noms plus exotiques. Ou plus patriotiques. Plus vernaculaires...

En fait, j’ai longtemps cherché moi-même où se situait la Ville Basse. Longtemps. Peut-être dans un collage virtuel de toutes ces villes basses (ou non) visitées (ou non !) où flottait dans l’air le parfum indéfinissable du bonheur. Ce flux qui remonte épisodiquement dans la moelle épinière comme un mascaret remonte le fleuve.

Mais pour qu’il y ait Ville Basse, encore faut-il qu’il y ait une Ville-Haute qui la surplombe. Celle des dominants. Des parvenus. Des « hautains ». Des résidentiels. Qui de temps en temps jette un coup d’œil panoramique. Sur la plèbe d’en bas. Là où ça grouille. Là d’où ces odeurs et ces langueurs viennent, montent, ramonent les narines trop sensibles. Ces rumeurs insolentes. Ces bruits de scies électriques. Ces coups de pioches dans la roche. Ces cris de poissardes. Ces chants d’émigrés expirant leur exil dans des langues en souffrance. Ces notes dépenaillées d’accordéons du fond des cours mal pavées. Ces harangues de vitriers ou de rémouleurs. Le roulis des barriques de vin déchargées sur les quais enfumés. Ce bourdon diffus comme le râle d’un Océan inquiétant pour ceux d’en-haut. Grignotant les contreforts de la Citadelle qu’ils croyaient Imprenable.

Peut-être la Ville-Basse est elle encore plus basse que bas ? Enfouie dans un recoin piétiné de la mémoire. D’une enfance. D’un Amour impossible. Une nostalgie d’un quartier perdu (Bercy ?) s’inscrivant en filigrane dans les rues d’un quotidien difficilement supportable.

J’aime les gens de la Ville-Basse. Tous. Sans distinction. Je les aime ces fantômes. Je les connais. Je leur pardonne.

Peut-être sont-ils ces anges déchus ? Tombés en grappe de la Jérusalem céleste ?

 

 

DANS LA VILLE BASSE

Le texte :

On s’était promis d’aller flâner dans le cœur de la ville basse,
Dans le dédale des rues mauves
Il y a des impasses et des chats qui se sauvent
Et des jardins qui sentent bon
L’ailleurs…

On s’était juré de retrouver ces deux figuiers qui s’enlacent
Dans le quartier du Carmel
On avait du gouter à leurs fruits caramels
Un goût comme un baiser
Venu d’ailleurs…


Les enfants jouent
A s’arroser sur la grand’place
Les gens s’en foutent
Ils sont posés sur leurs terrasses

On dirait (mmh mmh !) que nos ennuis s’effacent
Dés qu’on passe(mmh mmh !) le seuil de la Ville Basse.

Quand les commères du marché aux fleurs, fatiguées, de guerre lasse
Nous ont laissé la place vide,
Ne restait pour nous qu’un seul bouquet timide 
Et le sourire fané du vieux remp-
-ailleur …

Toi qui prétendais guider l’anguille loin de la mer des Sargasses
Deux, trois pétales dans l’eau douce
Tu la croyais tranquille, soudain elle éclabousse
Et s’en va pour se faire aimer
Ailleurs

Un gitan joue,
Sa guitare en état de grâce
Les femmes ont l’air
e vouloir s’enflammer sur place

On dirait(mmh mmh !) que des choses nous dépassent
Dés qu’on met (mmh mmh !) les pieds dans la Ville Basse.

[Pont :]
Et si c’était là le Paradis
Que l’on disait perdu
Dans le désert des limbes
Tout au fond du bleu de nos mémoires
On voit déjà dans les jardins suspendus
Des fruits par milliers
Des fruits familiers
Des fruits non défendus

[Reprise :]
On dirait (mmh mmh !) que des choses nous dépassent
Dés qu’on met (mmh mmh !) les pieds dan
s la Ville Basse.

Méfions nous surtout des météores, car la nuit devient vorace 
Elle s’accapare les Monts Chauves
C’est l’heure où les chiens redeviennent des fauves
Alors que les fous se font Orp-
-ailleurs

Il faudrait se perdre encore un peu tous les deux dans la Ville Basse
Que l’on étale nos alcôves
Jusqu’au bout du quai, jusqu’au bord des mangroves
Jusqu’aux dernières limites de
l’Ailleurs…

J’ai sur ta joue
Laissé en rouge quelques traces
Quelques ajouts,
Traduire ces mots qui m’embarrassent
On dirait (mmh mmh !) que l’Amour fait surface
Dés qu’on touche (mmh mmh !) aux murs de la Ville Basse
.

Paris 16 Mai 2010