Les pérégrinations musicales et souvent marécageuses de Pêrig Mahet

Pierre Meyrat

Avec Apollinaire, poète du groupe d'Arthénice.

Meurt en 1931. Ma mère a alors 13 ans.

Un été 49.

Un été 39.

Pour tout cadeau d'épousailles

La guerre et son chaos.

Mon père qui part affronter la mitraille,

Bout d'organdi sur son calot.

 

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L'envers du miroir..

NOTES :

"Dans le square de la Tour Saint Jacques, un type un peu déglingué, avec un chapeau de paille, gratouille sur une guitare. Tout seul. Il chante. Bien sûr, on n’entend rien. On voit seulement le mouvement de ses lèvres. Et l’expression de son visage. On dirait qu’il s’adresse à la Tour. Qu’il lui fait une offrande. Une nuée de pigeons virevolte autour de l’ancien clocher. 

Moi, je n’ai jamais eu l’idée de chanter pour un monument. Ni pour un monument, ni pour ma mère. Ni chanté, ni composé. Pour des amis, oui. Pour des femmes aimées, oui. Pour des amours désespérées, des ingrates et même des fieffées salopes, pour des gens de passages, oui. Jamais pour la femme qui m’a donné le jour. Rien. Aucun hommage. Si, peut-être quelques compliments susurrés aux fêtes de fin d’année de l’école maternelle. Sinon, rien. Aurai-je le temps de le faire ? De réparer cet oubli avant qu’elle ne s’en aille ?"

[Ô Santiag !] (Extraits)

L'envers du miroir..

(PM-Paris 1999)

LE TEXTE :

Avec ce siècle qui s’achève…
Nos mémoires qui s’échouent…
Tant de radeaux disloqués sur la grève…
Et la marée qui joue…

Avec ma mère qui soupire
Au vent trop fatigué,
Quatre vingt ans du meilleur et du pire,
Jamais l’amarre larguée…

Elle m’avait dit : si l’An Deux Mille
M’accorde encore un Lendemain,
M’importe peu la peur du noir,
J’aurai vu l’envers du miroir…

Avec l’automne qui ramène
Les lucioles du passé
L’appartement aux senteurs de verveine,
Les soirs à Saint Mandé

Ma mère encore écolière
Devant son père qui répond
Aux poésies perdues d’Appolinaire
A l’eau qui coule sous les ponts…

Une ou deux gouttes d’absinthe
Sur un sucre qui fond
L’enfance est faite d’absences et de plaintes
Et d’un bonheur sans fond…

Elle m’avait dit : si l’An Deux Mille
M’accorde encore un Lendemain,
M’importe peu la peur du noir,
J’aurai vu l’envers du miroir…

Qui se souvient des sirènes,
Des descentes aux abris
Les nuits d’alors n’étaient pas si sereines
Et les jours toujours gris.

Pour tout cadeau d’épousailles
La guerre et son chaos,
Mon père qui part affronter la mitraille
Bout d’organdi sur le calot…

Elle m’avait dit : si l’An Deux Mille
M’accorde encore un Lendemain,
M’importe peu la peur du noir,
J’aurai vu l’envers du miroir…

Il faudrait parler de la Seine,
Des pavés de Bercy,
De tous ces gens sur la chaussée qui mène
Du berceau à l’oubli.

Ma mère est là qui pardonne
Aux chalands qui s’en vont
Aux rêves qui font qu’on abandonne
Le bercail pour de bon…

Je lui ai dit : si l’An Deux Mille
Te fait traverser son miroir
Que toutes les roses de l’Univers,
T’accueillent au seuil du millénaire…

Avec ce siècle qui s’achève…
Nos mémoires qui s’échouent…
Tant de radeaux disloqués sur la grève…
Et la marée qui joue…