Porte d'Ivry
NOTES: Dans le quartier de la porte d’Ivry, le bruit des pétards et le son des gongs. Les chinois vont fêter l’année du Rat. Dans les cages d’ascenseur de ces immenses tours s’emmêlent les odeurs d’encens et de cuisines lointaines. Ti Yao (la liberté), habite à l’étage où l’on tague le Tao. Je crois l’avoir approché. Une nuit. Dans un rêve…elle me parle…
Porte d'Ivry
(Paris 1996)
LE TEXTE :
Je suis mal dans mes tongs,
Et je marche à travers China Town,
Papier gras sous mes pas,
Et derniers coups de gong.
Et j'attends dans le frais
A l’étal des frères Tang,
Qu'on m'indique la sortie,
Le delta du Mékong ?
Moi, je cherche Ty-Yao
La fille du vieux pédicure Lao
Ma vendeuse au rayon Paradis.
Avant hier elle m’a dit :
« Je t’emmènerai là-haut
très loin du treizième,
dans l’Ile-Aux-Mille-Bonheurs... »
Y’a des joueurs de mah-jong,
Assis sur des cageots de soja,
Qui s’agitent en poussant
Des petits cris perçants ;
Y’a des Bouddhas de jade
Sur des nattes de joncs ;
Des jardins suspendus
D’où l’on croit voir les jonques...
Et je louvoie dans les tours ;
Me fourvoie dans des chambres encombrées
De machines à tisser
Tout le fil de la Chine ;
Un zombie dort debout
En mâchant son gingembre ;
Moi, j’enjambe les bambous,
Prêt à mettre les bouts...
Mais voilà Ty-Yao
Qui s’affiche comme un Da-Zi-Bao
A l’étage où l’on tague le Tao...
Elle sourit, et s’enroule
Dans l’étoffe, le taffetas...
Elle se prétend Reine
De l’Ile-Aux-Mille-Bonheurs...
Je ramène deux, trois mangues,
Ma photo sur fond de Yang-tsen-kiang,
Quelques nems un peu gras
Qui me poissent les doigts
De son gris-macadam
Paris m’anesthésie ;
Et le matin grimace
Sur ma nuit d’amnésie...
Y’a des jours de magie,
Quand la rumeur des rues s’assagit,
Quand l’accordéon joue
A la porte d’Ivry,
Et se mêle aux murmures
D’un vieux bonze qui prie,
Je repère l’azimut
Et repars pour l’Asie...
Retrouver Ty-Yao
La fille du vieux pédicure Lao,
Qui m’attend au rayon Paradis...
On l’aura d’ici là,
Couronner d’une aura
De Reine, très Zen,
Dans l’Ile-Aux-Mille-Bonheurs....
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